Visite [Pv Elmère]

[Comme tu disais dans ton MP que tu avais besoin des services d'Ombre, j'ai pris sur moi de considérer qu'Elmère l'a convoqué... j'espère n'avoir pas mal fait ]


Il se faisait tard, même très tard, l'heure de la nuit où la lune est maîtresse incontestée du paysage et où la zone d'ombre la plus innocente peut receler mille dangers, mille poignards acérés prêts à égorger l'inconscient, mille bêtes nocturnes rôdant pour trouver sa pitance.

Ce monde, Ombre le connaissait ; mais, aujourd'hui, il en était séparé par les pures murailles de glace du palais Nightmare, grand, étincelant, froid, inhumain. Ombre n'était pas toujours sûr qu'il avait bien fait de quitter le monde de la nuit, à l'extérieur. Mais si, c'était le mieux. C'était dans le palais que vivait Elmère, et il voulait la servir et lui offrir sa loyauté, son corps et son âme, jusqu'à la mort.

Et c'était vers ses appartements qu'il se dirigeait à présent, furtif, silencieux. Il n'avait pas choisi cette heure tardive par hasard ; outre qu'il s'y sentait le mieux, c'était aussi celle où les courtisans et les domestiques qui fourmillaient dans les entrecroisements arachnéens du palais étaient les moins nombreux, la plupart dans l'étreinte noire du sommeil, d'autres dans celle de bras doux ou brutaux qui procuraient au corps des plaisirs brefs, futiles, suffisant tout juste à s'élever, l'espace d'un instant d'extase, au-dessus d'une existence clinquante et vide. D'autres encore, des membres des castes inférieures, les moins fortunés, n'étaient pas dans leur lit, parce qu'il fallait faire la ronde sur les remparts, parce qu'il fallait nettoyer les cuisines afin d'être prêts à confectionner le petit déjeuner à l'aube, parce que les ordres des maîtres devaient être accomplis avant le jour si l'on ne voulait écoper de cinquante coups de bâton au lever du soleil.

Et puis il y avait Ombre, qui avait choisi la nuit. La nuit, même dans le palais de glace, était son domaine. Personne pour lui parler, pour l'envahir, pour gêner sa progression ; juste le calme et le silence. Il aimait ça. Elmère le savait : c'était la nuit qu'Ombre était de meilleure humeur et qu'on pouvait le mieux traiter avec lui.

La porte des appartements d'Elmère, justement. Le garçon chétif avait fini par l'atteindre. Il était toujours content de venir ici, quand la reine lui parlait sans méchanceté. Il aimait se trouver près d'elle, contrairement à la plupart des courtisans, si pleins de vide, si gonflés d'apparences, si différents de lui ; il avait honte de ne pas être comme eux, de n'être qu'un rebut qui rôdait dans le palais. Mais il ne pouvait tout simplement pas être pareil. Et quand Elmère lui confiait une mission, c'était là qu'il se sentait complet, qu'il accomplissait une tâche.

D'abord, il faillit ouvrir de lui-même la porte. Mais il se souvint qu'il ne fallait pas ouvrir les portes comme ça, parce que des fois, il y avait des gens derrière, et souvent, ils n'aimaient pas qu'on entre sans prévenir. Ombre ne savait pas ce qu'il en était pour Elmère ; mais des courtisans étaient déjà entrés en fureur noire contre lui à cause de ça, et il ne voulait pas mettre Elmère en colère, certainement pas. Alors il avança une main décharnée, la referma en un petit poing, et puis toqua à la porte.

[HRP]Allez, hop, je réponds comme ça, à l'improviste, on va dire que mon abscence intolérable va passer inaperçue ... [/HRP]

Elmère avait fait demander ombre, mais elle ne savait jamais quand celui-ci apparaîtrait. Il ne venait qu’à des moments improbables, généralement tard le soir, quand plus personne ne fréquentait le palais. Et puis il fallait compter le temps de le contacter, ce qui n’était pas une mince affaire étant donnée sa misanthropie et son habileté à disparaître sans laisser de traces.

La reine travaillait tard ce soir, elle était plongée dans un nuage de cartes d’Azilis qui débordait de son bureau. Elle aimait les cartes; tout tyran à tendances hégémonistes aime les cartes. Elle rêvait d’ailleurs tout autant qu’elle travaillait, échafaudant des plans qu’elle savait irréalisables les uns après les autres. Mais ses véritables projets, son œuvre, sortiraient de ces rêveries.

Elle fut dérangée par un timide choc contre la porte. À cette heure-ci, ce ne pouvait être que lui. Personne d’autre n’aurait osé risquer de la déranger pendant son sommeil. Ombre, lui, ne comprenait certainement même pas ce qu’il pouvait-il y avoir d’inconvenant à toquer à la porte des gens au beau milieu de la nuit. Son esprit sauvage ne pouvait même pas intégrer la logique des convenances humaines. Elmère le savait, et s’y était faite.

Elle alla elle-même ouvrir la porte et accueilli le petit être recroquevillé qu’elle découvrit derrière avec un sourire franc. Il n’était nul besoin de porter, avec lui, le masque de froideur brutale qu’elle arborait en temps normal. Ce n’était pas par la terreur qu’elle le tenait comme elle tenait son royaume. Elle appréciait de pouvoir ainsi se détendre. Sa volonté incoercible n’aurait jamais permis qu’elle se relâchât mais un peu de repos lui était agréable.
Etrange paradoxe qu’une des seules personnes avec lesquelles elle se montra humaine le fut elle-même si peu.

Elmère s’écarta pour laisser son invité entrer et lui dit en lui désignant une chaise.

"Bonsoir, Ombre, je suis contente que tu sois venu. Essaie donc de te faire une place parmi les papiers, je dois te parler. J’ai une importante mission à te confier."

La reine se doutait qu’Ombre n’aimait pas les chaises, la posture qu’elles obligeaient à prendre étant certainement trop rigide et trop artificielle à son goût mais elle ne désespérait pas de l’habituer à la compagnie des humains, tant parcequ'il lui serait ainsi plus utile que par attirance pour le défi.

[HRP : J'ai rien vuuu Et c'est pas comme si j'avais été rapide à répondre au MP non plus... 50/50 ^^']



Elmère avait ouvert, et son sourire illumina Ombre qui le lui rendit de toute sa force, et ses cheveux roux le réchauffèrent comme le feu dont ils avaient la couleur. Pour le garçon, il y avait deux mondes : le dehors, sombre froid hostile dangereux, et les appartements d'Elmère, là où, seulement, il avait l'impression qu'il n'avait pas besoin de rester toujours en alerte pour survivre. Elmère ne lui ferait jamais de mal, et même, elle le protègerait s'il le fallait ; ça, il le savait.

Il se faufila dans la chambre et faillit s'asseoir tout de suite par terre, mais arrêta son mouvement quand il capta le mouvement de la reine, qui lui montrait un siège où s'asseoir. Bref instant d'hésitation. Elle voulait vraiment qu'il s'y mette ? Il n'était pas habitué à ça. Mais si elle lui montrait la chaise, c'était pour qu'il l'utilise. Alors, si elle le disait... d'accord.

Il s'approcha de la chaise avec une vague circonspection. Il y avait quelques documents posés dessus, tombés du bureau sûrement. Ombre posa la main sur le siège et le débarrassa des papiers en l'agitant comme quand on dépoussière une surface oubliée du plumeau. Il hésita encore un court instant, puis monta sur la chaise plus qu'il n'y s'assit : il s'installa plus ou moins en tailleur, avec les genoux remontés sous le menton, les yeux fixés sur Elmère sans ciller. Il était curieux de savoir pourquoi elle l'avait appelé, et impatient d'accomplir une mission, quelle qu'elle soit, pour son compte.

"Il y a quoi ?" questionna-t-il. "Je dois faire quoi ?"

Maintenant, la reine allait sûrement lui expliquer en détail tout ce qu'il avait besoin de savoir, ni plus, ni moins, et lui révéler la raison de sa présence. Il était habitué à tout faire sans poser plus de questions que ça ; il attendit donc, dans un silence complet, qu'Elmère parle.

La chaise n'avait pas été bien acceullie comme prévu mais Ombre avait fini par y grimper. Sa position n'avait rien de bien conventionnel mais on s'en contenterait pour aujourd'hui. Elmère ne voulait pas brusquer la sauvagerie d'Ombre. Elle savait toute sa dévotion et ne trouvait aucun plaisir à la mettre à l'épreuve.
Cette dévotion n'aurait eu pour l'instant rien d'évident aux yeux d'un observateur extérieur. Rien dans la posture impertinente, dans la flamme ardente de son regard ni dans les quelques paroles agressives qu'il prononça n'en laissaient paraitre le moindre signe.
Mais la reine savait qu'il y avait plus de sincérité dans ce ton violent et ces yeux charboneux que dans tout le rampant verbiage de ses courtisants aux paupières si repectueusement baissées.
Elle resta elle même debout et commença à marcher de long en large dans la pièce tout en exposant la situation.

"Vois-tu, Ombre, j'ai récement envoyé quelqu'un en Requiem, Höd, tu as déjà du le voir au palais. Un grand homme avec des cheveux blancs. Il avait pour mission de s'informer de la situation là-bas et de remettre en place le réseau d'espions que ma soeur avait démantelé. Or voilà un moment que je juge suffisament long que je n'ai pas eu de ses nouvelles. Or je commence à en avoir assez d'être coupée du monde. Il me faut savoir ce que fait ma soeur en ce moment.
Tu vas donc aller sans tarder en Requiem et me retrouver Höd si tu le peux mais surtout, ramène-moi toutes les informations possibles sur les activités de Marabelle."

Elmère reprit sa respiration et se rendit compte que son habitude d'ordonner sèchement avait refait surface à son insu. Sa dernière phrase avait été dite avec une colère mal contenue qui n'était certainement pas passée inaperçue pour Ombre, plus réceptif aux émotions qu'aux mots. Elle se calma donc et reprit avec douceur.

"Tu m'as bien comprise ? Pas de questions ?"

La demande n'était que de pure forme, Ombre ne posait jamais de questions, si un renseignement lui manquait, il se le procurait. Mais la Reine voulait lui faire comprendre que son emportement n'était pas dirigé contre lui.