Visite du chef, suite

[Résumé des épisodes précédents : https://requiemnightmare.forumsactifs.net/le-leviathan-f61/visite-du-chef-zaikel-t65.htm]

Zaïkel se tourna vers Tora, intrigué.

"M'avouer quelque chose ? Allez-y."

Il écouta la capitaine parler de la légende sans rien laisser paraître de son scepticisme. Sa tâche impliquait de faire preuve de pragmatisme : efficacité avant tout, pas de temps à perdre à rêvasser. Des textes anciens cachés dans une grotte ? Un monstre légendaire ? Cela lui semblait bien peu consistant comparé à la menace bien réelle des deux soeurs, qui allaient, à ce rythme, précipiter une anarchie complète et la destruction totale d'Azilis. Enfin, ça devait aussi faire partie des différences entre Tora et lui.

"Capitaine Nebuki," fit-il, "votre équipage est sous vos ordres et vous menez les quêtes que vous voulez. Je dois cependant vous avertir que, quelle que soit votre confiance en votre père, les Rebelles ne pourront pas se permettre de miser leurs espoirs sur une créature à l'existence si controversée. Alors, je ne vous interdirai pas de la chercher, mais... J'espère que cela n'entrera aucunement en conflit avec les intérêts des Rebelles."

Il avait dit cela sans animosité et espérait que Tora comprenne son point de vue, même s'il était complètement opposé. L'aventure n'était pas son fort ; lui n'aspirait qu'à rétablir l'ordre en Azilis en abattant les Soeurs. Evidemment, une capitaine de pirates avait forcément des motivations tout autres...

Tora voyait bien comme il avait l'air sceptique. C'était un peu normal, il n'avait pas enendu parler son père de cette légende avec autant de passionque s'il avait parlé de sa mère. Elle croyait son père, et avait foi en ce qui l'avait passionné.

Ne vous inquiétez pas, cela n'entravera en rien mon envie d'abattre ces deux soeurs. Je suis une rebelle avant tout, je ferais psser mon devoir de rebelle avant cette recherche personelle, mais si je peux, rien ne m'y empêchera. Cependant, comme nous sommes dans cette grotte, voudriez vous venir avec moi jusqu'à la salle de trésor, ou alors visiter celle où l'on a entreposé les armes ? Ou souhaitez vous voir une pièce en particulier ?

* Celles des écrits peut-être ? Je sais qu'elle sera actionnée par un levier, gene passage secret. Mais je 'nai pas encore eu le temps e chercher....Je me demande ausi si le lien thélépathique dont papa m'a parlé était vrai...*

Tora soupira, se leva, et donna son assiette à un de ses marins, gros mangeur, qui lui sourit, content de ne pas avoir à selever pour se reservir. Elle conseilla à Zaikel de laisser son assiette là, et regarda la lumière de la surface, un peu loin, en haut, petit trou où les rayons du soleil passaient difficilement.

Zaïkel eut un sourire neutre. La quête de l'exubérante Tora avait beau différer complètement de celle de l'elfe, leurs deux objectifs avaient malgré tout un point commun en cela qu'ils représentaient tout pour les deux rebelles et que tous deux s'y accrocheraient probablement jusqu'à leur mort, s'il le fallait. Comment donc blâmer la pirate ? Au moins avait-elle plus de convictions que l'immense majorité des larves qui courbaient l'échine devant Requiem ou Nightmare pour leur simple profit personnel, pendant que d'autres souffraient...

"Je dois vous dire," fit-il, "que j'ai beaucoup de mal à croire à cette histoire. Néanmoins, je vous encourage tout de même à accomplir ce en quoi vous croyez. N'oubliez simplement jamais, quand vous partirez à la recherche du Léviathan, que notre royaume est déjà hanté par deux monstres beaucoup plus hideux que toute créature que peut cacher cet océan."

Il se leva à la suite de Tora, et, conformément à ses instructions ne toucha pas à son assiette.

"Oui, montrez-moi toutes les salles dont vous pensez qu'elles peuvent avoir un intérêt stratégique. Donc celles où vous entreposez vos ressources : or, nourriture, armes... Et j'aimerais aussi savoir quelle est la capacité de ces grottes, combien de personnes peuvent y habiter..."

Tora eut un léger sourire aux paroles de Zaikel.

Ces deux monstres, féminins, ne peuvent rien contre un dragon des mers, non ? Vieux de millénaires, et capable d'obéir à celui qui lira les écrits. Si je trouve ces écrits, je serais bien plus utile qu'à présent, mais ma vie n'en sera qu'écourtée. Qu'importe, qui pourrait blamer ma mort, à qui pourrais-je manquer ? Personne ne me connait réellement pour ce que je suis !

Petit rire moqueur - envers elle même. Puis elle se tourna et invita Zaikel à la suivre vers un couloir sombre et humide. Des pierres saillaient, couvertes de mousse et noirâtres. Une odeur d'eau croupie se répandait, odeur persistante et inquiétante presque.

Tora ouvrit une porte tout au fond et prit une torche éteinte sur le mur, qu'elle alluma prestement avec son collier briquet. Elle vit les lames briller sous les rayons de la flamme dorée.

Les armes sont sous du verre pour les protéger, la plupart ont été forgées à partir de métaux légers et résistants. Epée, haches, il y a de tout. Mais...

Tora s'approcha d'une torche éteinte. Elle fronça les sourcils.

Avez vous vu quelqu'un se diriger par-ici ? La torche est habituellement allumée... Je dois me faire des idées peut-être...Au fait, sans vouloir changer de sujet, vous ne m'avez toujours pas dit votre nom. Je ne vous en voudrais pas.. Enfin si. Si vous ne me faites pas confiance, je vous en voudrais.Car moi, je vous donne ma confiance, et mon corps, et mon âme. Je vous suis, je vous suivrai toujours, jusqu'à ma mort.

*Et elle viendra surement bien plus tot que je ne l'espère, avec l'arrivée du Léviathan.. Cette torche peut-être qu'elle est bien le levier de la chambre des écrits ? Dieu, je suis toute excitée...*

En entendant Tora parler avec tant d'enthousiasme du chimérique Léviathan, Zaïkel ne put s'empêcher de se sentir légèrement contaminé par son entrain. Elle ne doutait pas une seconde de l'existence de ce monstre, apparemment, ni qu'il s'agît là de la solution à tous leurs problèmes - deux, en fait, des problèmes roux, sadiques et vaguement mégalomanes... et surtout, manipulateurs. A bien y réfléchir, un bon coup de dragon derrière les oreilles était sûrement la solution idéale pour faire s'effondrer leur futiles intrigues comme autant de châteaux de cartes oubliés sur la terrasse un jour de grand vent. Zaïkel secoua la tête. Oui, c'était définitif, la manière de penser de Tora était en train de lui monter à la tête... Lui était censé la garder froide. Si tout était aussi simple, ils ne seraient pas enlisés dans ce bourbier.

"Ne manqueriez-vous pas à votre équipage, capitaine ?" demanda sincèrement Zaïkel, qui n'était pas trop sûr des relations qui existaient entre une bande de pirates et leur capitaine. "Ce sont vos compagnons d'aventure et je suppose que leur vie a plusieurs fois dépendu de vos décisions... Si possible, donc, essayez de ne pas les mener à leur mort quand vous chercherez le Léviathan."

Il sourit pour adoucir ses propos qui n'avaient aucune vocation de la vexer, et la suivit le long de galeries nettement moins accueillantes que les grottes dans lesquelles ils avaient appareillé. L’endroit avait de quoi rendre claustrophobe un cloporte.

Arrivés à l’armurerie, Zaïkel jeta un coup d’œil sur les nombreuses lames qui y dormaient. Il n’était pas vraiment expert dans le domaine, mais elles avaient l’air en bon état et suffiraient à équiper une petite armée. Tant mieux. Ce qu’il voyait le rassurait.

"Je vous ai déjà dit que je pouvais vous faire confiance, Tora," dit-il en se retournant vers cette dernière. "Si vous êtes réellement prête à donner tout ce dont vous parlez, cela ne pourra être qu’un avantage. Faire partie des Rebelles est une entreprise exigeante, de toute façon… Et si vous voulez me suivre jusqu’à votre mort… efforcez-vous que ce soit long."

Il avait volontairement omis de discuter de l’ambiguïté qu’elle avait mise dans ses propos. Il valait mieux ne pas y penser…


[Et aussi, je n’ai pas relevé la question sur le nom parce que je suis quasiment sûr de l’avoir déjà dit :p]

[Gomen, j'étais sure du contraire =_=]

Tora évita de réponsdre aux réponses posées par Zaikel. Elle détourna son regard et le posa sur le flambeau éteint. Son équipage... Yozur... Est-ce qu'elle leur manquerait, si elle mourrait ? Peut-etre un peu; mais la question qui taraudait son coeur était que si elle mourrait, est-ce que Zaikel serait triste ?

Elle soupira muettement. Il semblait vouloir la voir vivre, au moins tenait-il à elle - en tant que Rebelle.

Elle lui lança un regard, eut un léger sourire, puis posant ses doigts sur le bout de la torche, tira dessus. Il ne se passa rien durant quelques secondes. Puis, les vitrines se mirent à bouger un peu. Tora frémit. Tremblement de terre - coincidence - ou bien ?...

Zaikel, attention à vous...

Elle posa sa main sur le ventre du jeune homme et le poussa sans ménagement mais sans lui faire mal : le mur devant eux commençait à trembler, la torche était à l'horizontal du mur, comme une équerre.

La torche est habituellement allumée...J'ai eu l'idée de la pousser un peu... M'accompagnerez vous...Là dedans ?

Elle désigna l'étrange corridor humide et sombre qui venait de s'ouvrir devant eux, découvert par le mur. Tora frémit. Les grottes cachées, cachant encore quelque chose ? Le jeu des poupées russes ou quoi ?

Vous avez raison. Pour tout à l'heure. Je ne veux embarquer personne contre son gré dans une chose qui ne tien à coeur que moi. Si vous ne m'accompagnez pas, je ne vous en voudrait pas. Mais moi, je continue.

Tora haussa les épaules, et s'enfonça dans le tunnel sombre, les yeux brillants de convoitise et d'émerveillement. Son père avait raison alors ? Et les écrits dans tout cela ?...

Elle souriait mais ne répondait pas. Zaïkel aurait bien aimé savoir ce qu'elle pensait à ce moment. Etait-ce un sourire sceptique et réconforté ? Bah... Dans les deux cas, elle n'avait probablement pas envie de continuer à discourir sur le sujet, et Zaïkel ne pouvait l'en blâmer - parler de sa propre mort incite rarement à la gaudriole.

Il abandonna donc, et suivit ses geste du regard tandis qu'elle posait la main sur une torche et tirait dessus. L'elfe resta perplexe. Qu'espérait-elle ? Mais ses sens habitués à la vie souterraine rattrapèrent bientôt son esprit et il changea d'avis ; il se passait quelque chose. La grotte n'était plus... calme. Bientôt, ce fut tout à fait perceptible : des vibrations, légères certes, mais impossibles à ignorer. Tora le poussa et il n'essaya pas de résister : il fixait la paroi tremblante, fasciné malgré lui - des murs qui bougent, ça, il n'avait pas vu souvent.

Et puis il leur livra carrément passage... Comme ça, sans trop protester. Un tout nouveau couloir débouchait maintenant dans l'armurerie, et Tora n'avait pas l'air de connaître son existence.

Il revint à la réalité. Tora allait pénétrer sans vergogne là-dedans... Une alarme sonna en lui. Elle avait déjà fait quelques pas dans le corridor. Il la rattrapa rapidement et posa une main ferme sur l'épaule du capitaine.

"Tora, attendez. Vous êtes sûre de vous ? Rien ne presse... Ne devrions-nous pas prévenir vos hommes avant de nous enfoncer comme ça dans l'inconnu ?"

Bizarrement, il avait la sensation diffuse que ce genre d'argument ne la ralentirait pas, et pire encore, la motiverait peut-être... Puisqu'elle était faite d'un bois bien plus vaillant que lui.

Tora était entrée dans le tunnel, aussi excitée qu'une enfant devant un cadeau d'anniversaire, quand une main ferme se posa sur son épaule, la faisant frémir involontairement. Elle tourna la tête pour observer Zaikel, qui fit preuve de bien de la prudence - prudence n'était pas un mot qu'elle admirait, et préférait le railler de sa liste de vocabulaire.

Ho, mais non, c'est tellement plus excitant d'y aller maintenant... Rien ne presse, mais j'ai envie d'y aller. Et j'ai aussi envie que vous m'accompagniiez.

Elle prit la main de Zaikel dans la sienne et le tira vers elle en souriant doucement. Puis elle leva la tête en sentant des gouttes perler. Brr...

La cote descends, on dirait qu'il fait plus humide à mesure que l'on descends... Cela ne vous excite pas un peu d'entrer dans un passage apparemment scellé et caché ? Moi, si.

Elle s'avança dans le tunnel et arriva en haut d'un long escalier qui descendait dans le noir. Comme tout bon elfe - enfin demi-elfe- elle possédait une vision nocturne, mais même ici, cela ne servait pas à grand chose. Elle haussa une épaule et commença à descendre, en sautillant comme une puce. Elle cherchait avec ses sens la présence de Zaikel,en espérant qu'il vienne avec elle.

Elle descendit sur plusieurs paliers ces escaliers, qui descendaient plus profondément encore dans les grottes. Où allait-elle arriver ? Elle sauta sur le dernier pallier et regarda devant elle : un autre couloir sombre et putride...Beuh...

Elle continua d'avançer, en faisant de ptits pas, puis, elle remarqua une légère lumière bleutée au fond.

Zaikel ! J'ai trouvé le fond du couloir ! Venez, vite !

Elle se mit à courir vers la lumière, sans se douter de rien. FCorcément, hein, ça mène à quoi ? Une dalle piégée, bien sur ! [ Genre indiana Jones XD]
Elle se prit les pieds dans une corde et tomba au sol. [Poum X.X] Elle entendit des sifflements, et regarda les flèches fichées dans le mur. Si elle s'était pas ramassée, elle aurait été tuée... Le Léviathan, créature destinée aux pirates, convoitée par bien des gens... Elle frissona doucement. Elle commençait à sentir la peur se mêler à son excitement. Il allait falloir donner quelque chose en contrpartie au Léviathan - si tant est qu'il existe, mais ça elle y croyait dur comme fer!. Que lui faudrait-elle donner ? Elle préférait mourir que de le donner, lui... Elle se retourna et regarda où était Zaikel.

Zaïkel ouvrit la bouche pour protester puis la referma. Que dire ? Il n'arriverait pas à la convaincre... Et il préférait ne pas la laisser explorer cette galerie toute seule. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était la suivre, puisqu'elle avait envie qu'il l'accompagne.

"Bien," fit-il à mi-voix, sur un ton acerbe. "Mais non, ça ne m'excite en rien... Pour ce qui est des tunnels secrets, j'ai une certaine expérience qui m'empêche d'apprécier à sa juste mesure cette découverte, apparemment."

Il la suivit donc. Profondément. Un escalier, puis un autre, puis un autre... A chaque marche, l'impatience de l'elfe grandissait. Ce n'était pas prudent, pas du tout. Même si rien de spécial ne les attendait dans ce trou nauséabond, le moindre degré de la descente était cent fois assez traître et glissant pour les envoyer se rompre le cou quelques dizaines de mètres plus bas. Jolie fin pour le chef des rebelles et la fougueuse capitaine Mille-Morts, ça oui.

Enfin, les escaliers cessèrent. Et alors, il la vit : la lumière au bout du tunnel.

Tora l'avait vue aussi, à en juger par l'exclamation qu'elle lança à Zaïkel, et, complètement excitée, elle en avait oublié les rares bribes de prudence qui subsistaient encore en elle. Elle s'était mise à courir. Les sens de Zaïkel entrèrent en alarme. Non, quelque chose n'allait pas... Elle courait droit à sa perte.

"Non, Tora ! Arrêtez, vous allez..."

C'était trop tard ; elle avait déclenché le piège. Le coeur de l'elfe s'arrêta de battre pendant deux terribles secondes.

Mais elle avait survécu - une chance inouïe, à n'en pas douter. Dans le coeur de Zaïkel, à la peur succéda un profond soulagement, puis une colère noire. Il lui avait dit ! Il en était sûr, elle avait failli mourir, elle... Les mots se bousculèrent sur ses lèvres et il ne parvint pas à prononcer le moindre d'entre eux. Il se contenta de courir vers elle, et, baissant sur elle un regard à moitié exaspéré et à moitié soulagé, il lui tendit la main pour l'aider à se relever.

"Soyez plus prudente à l'avenir. Restez près de moi et avancez lentement."

Zaïkel observa la lumière bleue, là-bas. Il commençait sérieusement à s'interroger. Qu'était-elle ? Un bien ou un mal ? Et si les folies de Tora étaient justifiées et que le Léviathan les attendait au bout du tunnel, serait-il vraiment très content qu'on le dérange ?

Tora n'avait pas pu s'en empêcher. Elle regrettait un peu de s'être laisser allée malgré l'avertissement de Zaikel. Elle avait eu une de ses chances ! Les flèches l'auraient tuée si elle n'avait pas été maladroite sur ce coup. Elle se retourna et le vit, qui succédait à divers émotions. Elle soupira et baissa les yeux. Elle le sentit s'approcher d'elle, et fut surprise qu'il ne la gronde pas comme une enfant. Après tout elle s'était conduite comme telle, non ?

Excuse moi. Je me suis conduite comme une idiote. Je te suis, mais fais attention aussi.

Elle posa une main sur son épaule et lui lança un regard à la fois de remerciement - peut-être à cause du fait qu'il ne l'avait pas rabaissée, qu'il s'était inquiété, et qu'elle avait bien perçu tous ces sentiments dans ses yeux quand il avait réalisé qu'elle avait failli mourir. Un regard d'inquiétude également. Elle était surprise d'avoir avoàuée s'être conduite comme une imbécile, habituellement, elle se serait mise dans une rage folle. Elle se mit à ses cotés; le tunnel étant bas mais assez large pour les laisser passer tout les deux. Elle ne pu s'empêcher, en avançant, de prendre le bras de Zaikel, par réflexe. Mais bon, il fallait avouer que ce n'était pas désagréable. Elle maudit ses talons qui résonnaient dans l'obscurité. Ils avançèrent. Tora regardait devant elle, respirant difficilement - à cause du froid qui les tenaillait de plus en plus ou bien à cause de la proximité de cet homme ?

Ils arrivèrent à l'origine de la lumière bleutée, qui devint avuglante, et Tora ferma les yeux. Quand elle les rouvrit, elle ne pu s'empêcher d'avoir les larmes aux yeux. Ils étaient perchés sur un promontoire de roche surmontant un gigantesque lac et une cascade. L'eau avait une couleur turquoise phosphorescente, qui reflétait au plafond des miriades d'étoiles de couleur diverses, qui passaient du rouge au jaune, du bleu au vert en fonction du mouvement des vagues. Les rives de pierailles étaient bordées de mousse verte également fluorescente, et des fleurs étranges, noires exhalant un parfum sucré, ponctuaient le tout d'une touche sombre. Tora détourna lesyeux, ce spectacle était magnifique et irréaliste. Elle s'avança un peu sur le bord - en faisant attention - et scruta le fond du lac : on distinguait difficilement une forme gigantesque et sombre dans le flou de l'eau. Elle frissona. Et apparemment, le promontoire n'accédait par aucune sorte d'escalier aux rives quelques dizaines de mètres plus bas. Elle déglutit en pensant à la seule issue et, se tournant, regarda Zaikel droit dans les yeux; elle lui tendit sa main.

Si tu me fais confiance, prends ma main. S'il te plait.

Il devait se douter de ce qu'elle ferait une fois qu'il se serait accroché à elle : ils plongeraiet. Oserait-il risquer en prenant sa main, ou allait-il la décliner en cherchant une autre issue ? Lui faisait-il confiance ? Elle frissona, en pensant qu'elle même se serait jetée du haut de ce promontoire pour lui. Elle réalisa comme sa confiance était infinie, et elle ne comprenait pas pourquoi, c'était là point. Elle baissa les yeux, comme intimidée.

Au moins reconnaissait-elle son erreur. C'était déjà un progrès. Zaïkel hocha simplement la tête, le regard tourné vers le bout du tunnel.

"Pour moi, pas de danger. J'ai appris la prudence il y a bien longtemps, et c'est grâce à elle que les rebelles existent toujours. Tu comprends, Tora ? Sur la mer, tu es la reine. Tu peux aller où tu veux, te livrer à tous les excès, et personne ne pourra jamais te saisir. Je suppose que ce piège n'est pas la première chose qui te fait frôler la mort, et certainement pas la dernière non plus... Mais quand tu agiras pour le compte des rebelles, c'est avec un tout autre monde que tu devras lutter. Et lui ne te pardonnera pas le moindre faux pas. Là-bas, tout le monde t'espionne, tout le monde cache une lame derrière son dos. C'est pour cela que nous devons nous cacher si nous voulons renverser la tyrannie. Bienvenue dans le monde des hommes."

Ce n'est qu'après avoir terminé son petit discours qu'il se rendit compte non seulement qu'elle l'avait tutoyé, mais qu'il avait répondu sur le même ton. Naturellement, comme ça, sans y réfléchir. Il se sentit tout à coup atrocement gêné, mais il s'efforça de n'en rien laisser paraître et se dépêcha de reprendre la parole dans un marmonnement, comme pour s'éviter de trop y penser :

"Enfin, tout ça pour dire... Fais attention à toi, c'est tout."

Il toussota et croisa le regard que Tora lui lançait. D'un geste de la main, il dissipa ses remerciements, indiquant que le sujet était clos, et ils repartirent. Bientôt, elle se suspendit à son bras. Zaïkel n'eut pas le coeur de lui dire qu'à son avis, elle prenait le "restez près de moi" un peu trop au pied de la lettre. Ils marchèrent ainsi un moment, sans un mot, le silence haché par les bruits de pas qui résonnaient et leurs respirations entremêlées.

Enfin, ils arrivèrent au lac. Cela, Zaïkel ne s'y était pas attendu. Un plan d'eau si grand, si loin sous la terre ? Et une ambiance étrange flottait autour, comme si... Il y avait quelque chose de vraiment étrange, il ne fallait pas être un génie pour s'en rendre compte. Zaïkel ouvrit la bouche pour proposer à Tora de repartir et de revenir mieux préparés. Mais c'était trop tard : déjà, elle se tournait vers lui et lui demandait de lui faire confiance. Comment, dans ces conditions, jouer les rabat-joie ? Il faillit tout de même décliner ; mais, finalement, mû par une impulsion inconnue, il leva les yeux au ciel et posa sa main dans celle de Tora.

Tora écouta le petit discours de Zaikel. Et finalement, elle sentit son petit coeur de pirate bondir de sa poitrine : déjà, premièrement, ils s'étaient tutoyés sans le voir - elle venait d'ailleurs de s'en apperçevoir, et puis, il s'inquiétait pour elle! Elle baissa les yeux, quand il la regarda.

Merci, dit-elle dans un souffle.

Ils arrivèrent sur le promontoire, et Tora pensa immédiatement à sauter. Elle attendait qu'il lui donne la main, ou qu'il lui demande pourquoi et fasse tout une montagne - ce qui était ce à quoi elle s'attendait le plus, vu le caractère posé du jeune chef des rebelles. Mais non, tout doux, il lui donna la main. A ce contact, elle eut un tressaillement, et plongea son regard dans celui de Zaikel. Elle détourna les yeux, puis, avançant d'un pas sur le promontoire, tira doucement Zaikel vers elle, et sauta en le faisant tomber en bas - et sur elle un peu en même temps, genre discrètement.

Ils plongèrent dans l'eau, et Tora, mue par son lien de l'eau, remonta directement à la surface, nageant jusqu'au rive et aidant Zaikel à se poser lui ausi. Elle toussota un peu, puis passa la main sur ses yeux.

Voilà, on est en bas. Et je trouve que...ca bouge..

Effectivement, un léger battement sourd résonnait, en même temps qu'une sorte de tremblement de terre léger. Elle se sentait secouée un peu, se redressa et observa l'eau. Où était le Léviathan ? Elle frémit. L'eau semblait bouilloner, turquoise vive, bulles d'eau qui éclataient.

Zaikel. Je voulais te prévenir avant, mais je n'en ai pas eu le courage. Avec le Léviathan...

Elle baissa les yeux, c'était bien la première fois qu'elle avouait avoir manqué de courage, et qu'elle avait peur à ce point.

Je pense qu'il risque d'arriver, et je pense également que je devrais donner quelque chose en échange de sa servitude. Aussi, je ne sais pas ce qu'il demandera. Mais je te promets de ne pas te mettre en danger. Je..

Elle renonça. Le " tiens trop à toi" n'aurais servi à rien, de toute façon. Elle leva ses yeux et observa la forme sombre qui grandissait au fond de l'eau. Elle frémit, les yeux écarquillés, en voyant s'allumer comme deux rubis au fond de l'eau. Elle ressentait de la peur et de l'excitation. Mais la peur la dominait bien plus. Elle tressaillit, mais ne bougea pas.

Quand la main de Tora se referma sur la sienne, Zaïkel serra inconsciemment, inquiet malgré tout. Il ne pouvait pas faire grand chose d'autre que laisser Tora le guider, et il lui faisait sincèrement confiance, mais il ne s'en sentait pas pour autant vraiment rassuré. Après tout, il risquait d'arriver n'importe quoi, ils pouvaient heurter un rocher, leurs mains pouvaient se séparer et laisser Zaïkel se noyer, ou quelque chose d'hostile pouvait les attendre au fond...

Mais il était trop tard et superflu de penser à ce genre de choses. Parce qu'ils avaient déjà sauté et que la surface de l'eau se rapprochait inexorablement, et vite.

Pendant les secondes qui suivirent, il ne tenta même pas de garder le fil de ce qui se passait. Il se contenta de laisser Tora le haler et le déposer sur la rive. Alors seulement, il osa respirer et crachota pour évacuer l'eau qui s'était infiltrée un peu partout. Il regarda autour de lui. Le lac pouvait sembler calme, mais Tora avait raison : c'était comme si quelque chose se mettait en mouvement. Une sensation diffuse tout d'abord, puis de plus en plus nette : l'eau s'agitait. Quelque chose en-dessous s'agitait. Avec circonspection mais fascination, Zaïkel fit un pas vers le lac, cherchant à voir ce qui se tapissait ici.

Et puis il se retourna vers Tora en l'entendant avouer ce qu'elle savait depuis le début, sans avoir osé le dire. Il fronça les sourcils, et s'approcha d'elle avec détermination, la saisissant par les épaules et la regardant droit dans les yeux.

"Non, Tora. Il ne va pas y avoir de sacrifice ; il est donc inutile de s'inquiéter. Si le prix à payer est trop élevé, ton Léviathan n'aura qu'à retourner sommeiller pour quelques siècles de plus. Nous ne savons pas encore ce qu'il peut nous apporter, ni si cet avantage vaut le coup qu'on souffre pour l'obtenir. Alors cesse de te tourmenter : je n'accepte jamais un sacrifice dont le gain n'atteint pas la valeur de ce qui est sacrifié."

Il sursauta et se retourna. Cette fois-ci, c'était certain, quelque chose d'énorme s'approchait et serait là d'un instant à l'autre. Hardiment, Zaïkel l'ignora complètement et replongea ses yeux dans ceux de la pirate en face de lui. Il reprit en souriant :

"Et quelle que soit la puissance de ce monstre, il ne te vaut certainement pas."

Tora détourna sagement les yeux aux paroles de Zaikel, les posant sur
le lac qui semblait bouillir, la forme ombrageuse se rapprochant. Elle
frémit et planta ses yeux dans ceux de son ami. Malgré la phrase gentille, et la légère rougeur de ses joue, elle se força au calme et à la gravité.

Je sais que le Léviathan existait, et tous m'ont rit
au nez. Mon père y croyait également. Et je sais, d'après d'anciens
manuscrits, comme sa puissance est sans réserves. Nous controlerions
totalement la mer, et je pense qu'il n'y a pas que la mer où il puisse
se déplacer... Ce n'est pas une simple chance, Zaikel...

C'était tellement étrange de prononcer son prénom de cette façon, douce
et calme, mais à la fois passionnée, mais non pas par le nom mais par
un autre sujet...

Je ne sacrifierais rien si je trouve le prix trop
cher. Je jure que si il me demande quelque chose en échange qui pusise
me paraître une seconde trop... trop important, je le laisserais. Mais
voyons ce qu'il a me demander ! ... Tu ferais mieux de rester ici.

Elle s'approcha de l'eau en sentant le sol bouger. Elle renonça à
regarder Zaikel derrière elle, et essaya de rattraper son chapeau qu'un
courant d'air soudain avait fait s'envoler. Elle serra les dents, puis
faillit crier en voyant la forme surgir de l'eau.

Une sorte de grande anguille, de dragon d'eau, aux écaille pareilles au
bleu de l'eau, à la tête légèrement triangulaire, aux machoîres
solides, au corps pourvus de membres ressemblant à des pattes, et deux
ailes collées à son dos... Un véritable dragon d'eau, dont la taille
envahissait la grotte quasimment toute entière, son souffle faisait un
grondement sans pareille aux oreilles de Tora.

Elle se sentit trembler, mais résista, et sauta sur un rocher. Le
Léviathan, penchant sa ête, posant ses yeux de rubis sur elle, faillit
la renverser de son souffle. Allez, courage...

Léviathan ! Je suis venue te chercher et te demander ton aide ! Que veux-tu en échange ?!

Elle planta son regard dans celui du Léviathan, et dut baisser le sien,
les yeux d'un rouge sanglant semblaient lire à travers elle. Elle
frémit, comme si la bête traversaient ses souvenirs, ses moindres
désirs.

Puis, une voix ans sa tête, douce comme un souffle, mais dont elle
sentit la puissance. Tora serra les dents et se tourna vers Zaikel.
Elle dévéla le rocher, et se tourna vers lui.

Il... Il m'a donné le choix... Je dois... Je dois
donner... Soit les souvenirs de mon père, les moindres souvenirs que
j'ai de lui... Ou...

Tora baissa les yeux. Elle pouvait se tourner et accepter, encore, au
lieu de tout dire à Zaikel, mais une vchose la poussait à être honnête.


Il m'a demandé de choisir entre les deux hommes que j'aime le plus. Mon
père. Les souvenirs de mon père. Ou ton existence. Les souvenirs de mon
père, ou l'oubli total de ton existence. Et.. J'ai fais mon choix. Je
pense que tu as du remarquer comme je tenais à mon père... Mais... Là
n'est pas la question, mais je vais demander au Léviathan de m'ôter les
souvenirs de mon père. Je pense que si il te retirais de ma mémoire,
je... J'aurais un énorme vide en moi. Je sais pas pourquoi je te dis
ça...Mais ne tente pas de me faire changer d'avis, j'ai choisi. Je sais
ce que je fais.

Elle se retourna et s'approcha du Léviathan. Elle trembla, puis serra
les poings. Elle eut une dernière pensée pour son père. Elle ferma les
yeux, puis hocha la tête vers le Léviathan, qui semblait avoir écouté
leur conversation.

Une voix grave et triste comme la mort, sortie des lèvres du Léviathan,
vinrent résonner dans la grotte. Une sorte de symphonie de larmes, de
cris douloureux, de peur... Cela dura plusieurs secondes, et Tora tomba
à genoux, une grande douleur lui sciant le crâne.

Quand la musique s'arrête, elle hésita à se redresser. Le pacte avait
été conclut, en témoignait le présent tatouage sur sa main, fumant; et
l'oubli, le vide dans sa tête. Elle sentit les larmes monter. Mais ne
plus être faible. Pas devant Zaikel !

Il ne savait pas pourquoi, mais quand Tora lui demanda de rester où il était, Zaïkel se contenta d'obéir. Il était clair qu'il n'avait pas son rôle à jouer là-dedans, et qu'il était tombé dans un monde qu'il ne comprenait pas. Il était obligé de laisser Tora gérer la situation.

L'elfe croisa les bras et riva son regard à la pirate tandis qu'elle s'approchait de l'eau. Quand le Léviathan apparut, il sourcilla à peine ; il se contenta de prendre une profonde inspiration et de contrôler les battements de son coeur. Il ne devait et ne pouvait rien faire, même si Tora était à un misérable cheveu de la bête et qu'il était plus qu'inquiet pour elle. Maintenant, il y avait une connexion entre ces deux êtres, un lien dont Zaïkel était exclu ; il ne pouvait que regarder, la gorge serrée, absolument ignorant de ce qui allait suivre. Pour lui, tout ceci était simplement irréel ; son scepticisme avait été forcé de rendre les armes, et Zaïkel voyait s'écrouler devant lui un monde clair et net dont il croyait jusqu'alors connaître tous les aspects. Mais depuis qu'il avait rencontré Tora, les choses n'arrêtaient pas de bouger et de changer...

Elle finit par se retourner vers lui. Zaïkel sentit ses entrailles se nouer en écoutant le marché que le Léviathan avait proposé à Tora, et ferma les yeux quand l'échange fut accompli, les paupières si fortement soudées qu'elles semblèrent ne plus jamais pouvoir se rouvrir. Il n'avait pas prononcé un mot depuis le début de la rencontre ; Tora l'avait prévenu qu'il ne pourrait rien dire pour la faire changer d'avis, mais c'était inutile, il le savait depuis le début. C'était la première chose qu'il avait apprise sur elle : on ne fait pas facilement changer d'avis une Tora... Quel gâchis... Mais au moins, c'était terminé maintenant.

Il rouvrit les yeux, vit le tatouage tout neuf sur la main de Tora et le vide douloureux au fond de son regard. Quand elle tomba à genoux, il sortit enfin de son immobilité et se précipita vers elle ; il s'agenouilla également et la prit dans ses bras.

"Allons, Tora", murmura-t-il. "Tout ira bien. Tu n'aurais pas dû faire ça, mais tu l'as voulu ; c'est le plus important. Nous allons rentrer maintenant, d'accord ? Et tu pourras laisser libre cours à ta tristesse."

Il n'avait pas bougé. Zaikel. Et elle le sentit s'qapprocher tandis qu'en elle, une sorte de vide se creusait, comme encore fumant. Son coeur était déchiré, comme si on l'avait piétiné, et les douces paroles des chuchotis de son ami lui firent monter les larmes aux yeux.

Elle leva son regard mauve vers lui, une larme roulant sur sa joue. Elle se blottit contre lui, en sentant sa chaleur, quand il la prit danss es bras. C'était la première fois qu'ils étaient aussi proches, physiquement et mentalement.

Je t'ai, toi... Le vide en moi... Tu le comble en partie... Merci d'être là, même si je sais que je n'ai aucune chance d'abattre la forteresse que tu as construite autour de ton coeur.

Tora se redressa, crispa une de ses mains contr son ventre, sentit la douleur physique que lui infligea ses ongles, et regarda le Léviathan. Plus de souvenirs. Une absence, pire que le doute... Mais il était là. Et elle se souvenait d'une chose, de Zaikel et de son envie de faire quelque chose pour lui, de l'aider, de se faire aimer; même si la dernière partie était éternellement hors de portée.

Tora regarda sa main.

Je suis... liée à toi ?

Une voix grave lui répondit, il semblait que loe grand dragon souhaitait faire part de ses paroles à l'elfe à ses côtés.

Nos âmes sont liées jusqu'à ce que tes désirs soient accomplis ou que ta vie s'achève. Je suis navré d'avoir du te prendre tant, mais mon aide vaut ce qu'elle vaut, une chose en vaut une aure, je devais te prendre ce que tu avais de plus cher.

Tora haussa les épaules et se tourna vers Zaikel.

Veux-tu qu'il fasse le tour d'Azylis et coule les bateaux Requiem ? Si tu veux lui faire faire quelque chose, je lui demanderais. Demande moi ce que tu veux.

Elle essuya ses larmes; elle ne comprenait pas, plus, ce vide qu'elle avait, elle sentait juste l'immense tristesse d'avoir perdu quelque chose; elle était soulagée qu'elle n'ai pas perdu Zaikel.

Zaïkel inspira plusieurs fois, profondément, et se permit enfin un petit sourire, laissant la tension redescendre. Le Léviathan n’allait manifestement pas leur causer plus de mal qu’il n’en avait déjà fait, et Tora – chose rare – comprenait son attitude vis-à-vis du Léviathan. Il avait juré de tout faire pour travailler à l’accomplissement de sa cause, mais à condition de ne jamais tomber dans des extrêmes qui corrompraient le bien-fondé de ses agissements. Que feraient Elmère la folle ou Marabelle la sadique si on leur laissait un tel pouvoir entre les mains ? Ce n’était pas une question difficile – elles enverraient le monstre contre leurs ennemis, elles l’utiliseraient pour détruire toute vie qui les gênerait ou s’opposerait à elles, ou elles lui feraient perpétuer des massacres atroces juste pour leur amusement, juste parce que donner la mort les excitait…

Et la base même de l’action des rebelles consistait à ne jamais utiliser les méthodes des Sœurs. Sinon, à quoi bon se battre ?

Il baissa les yeux sur Tora. L’abandon de ses souvenirs ne la laissait pas vraiment en bon état, mais elle semblait commencer à rassembler ses esprits. Bientôt, tout irait bien.

« C’est bien, Tora », murmura-t-il. « Tu as tout compris, maintenant. Nous nous battons pour rester en vie, et pour le futur, afin que personne n’ait jamais besoin de mourir inutilement. Je suis désolé qu’il ait fallu que tu fasses un tel sacrifice pour cela, mais à présent, nous pouvons marcher vers l’avenir. Peut-être pas à deux… pas pour le moment. »

Il détourna le regard, histoire de ne pas avoir à affronter celui de Tora. Il avait beau parler de l’avenir, il n’arrêtait pas d’éviter soigneusement de penser à ce qui se passerait quand ils auraient vaincu les Sœurs. Aussi loin qu’il pût s’en souvenir, la guerre contre elles avait été l’unique raison de sa vie. Enfin, l’une des deux ; la seule qui lui restait, à présent. Et quand tout serait terminé… alors quoi ? De quoi serait fait son futur ? C’était bien parce qu’il était incapable d’apporter une réponse précise à cette question qu’il redoutait de se la poser.

Tora, elle, avait l’air bien plus déterminée quant à l’avenir qu’elle voulait, ainsi qu’elle le prouva de nouveau en déposant un léger baiser au coin des lèvres de Zaïkel en profitant de son moment d’inattention. Il cilla et resta légèrement bouche bée, mais ne dit rien. A quoi bon ? Il n’aurait pas l’air convaincant…

L’elfe resta ainsi jusqu’à ce que le problème de la sortie soit soulevé.

« Hum… oui. Sortons d’ici. Je crois que… Le plongeon était peut-être irréfléchi. Par où allons-nous, maintenant ? »

Il fit quelques pas en direction de l’eau.

« Là-dessous, peut-être ? » fit-il avec appréhension. « Tu penses que ça communique avec la mer ? »

Il jeta un coup d’œil ambigu au Léviathan et ajouta :

« Mais peut-être que… il… peut nous dire comment sortir ? »

Tora évita de croiser le regard de Zaikel. Elle avait vouly l'embrasser, totalement, mais n'avait osé. Elle posa son regard un peu partout, et haussa une épaule.

Désolée d'avoir fait ça, mais j'ai toujours était inspirée par des impulsions. Excuse moi de t'avoir entraîné contre ton gré dans tout cela, je n'aurais pas du... J'aurais plutôt du commencer cela seule. Il faudrait que j'arrête d'être irréfléchie, et débuter par des pensées intelligentes. Et arrêter d'etre aussi impulsive... et être indépendante; arrêter d'entraîner tout le monde dans mes histoires.

Elle soupira, puis observa le Léviathan, qui avait psoé ses yeux de rubis sur eux.

Peux-tu nous aider à sortir ?

Le veux-tu vraiment ?

Tora recula d'un pas àala voix grave du Léviathan, qui parlait de telle manière que Zaikel pouvait l'entendre. Tora serra les dents.

Bien sûr que je souhaite sortir !

En es-tu sûre ?

Tora sentit ses joues rosir La question était pertinente - et profonde : elle n'avait peut-être pas envie de quitter cet endroit confiné, humide; où elle et Zaikel étaient réunis. Où ils avaient été plus proches que jamais, où ils avaient échangés des propos sincères.

Je ne sais pas...

Un simple murmure, prononçé avec une héswitation confuse. Tora sentait le Léviathan en elle, curieux, inquisiteur. Ils étaient liés, il lisait en elle. Et elle devait s'avouer qu'elle était bien avec Zaikel. Elle devait se convaincre du bien fondé de sortir d'ici, où ils resteraient là...

Je veux sortir d'ici ! Montre nous la sortie !

Il faut longtemps avant de parvenir au bout du couloir. A vous de choisir : vous reposer, ou partir maintenant. Décidez. Je peux également vous faire parvenir dans les grottes, mais vous risquez de vous asphixier, le couloir marin est très long; il y a un chemin de terre serpentant sous la mer. . A vous de choisir.

Tora serra les dents et hésita, puis détourna le regard, sans regarder Zaikel pour autant.

Zaïkel leva les yeux au ciel, ou à la voûte de pierre qui en tenait lieu.

"Toi, impulsive ?" rit-il. "Je ne sais pas si l'adjectif te convient vraiment... Tu es l'impulsivité incarnée. C'est gravé sur tes os."

Il la regarda dans les yeux, redevenu soudain sérieux.

"Mais tu as raison", continua-t-il. "Il faut que tu fasses un maximum d'efforts pour réfléchir avant d'agir. Nous ne nous en sortirons pas toujours aussi bien que ce soir. N'oublie pas que maintenant, tu as les rebelles pour t'aider ; aucun de nous n'est seul."

Il assista au dialogue entre Tora et le Léviathan. Que faisait donc cette bête à tourner autour du pot ? N'était-il pas évident qu'ils n'avaient pas la moindre intention de rester à croupir dans cette caverne humide ? Non pas que Zaïkel n'en eût pas l'habitude, mais tout de même... Ils perdaient du temps ici, et ils n'avaient plus rien à y faire. Alors pourquoi le Léviathan ne les faisait-il pas sortir ? Plus important encore, pourquoi Tora venait-elle de répondre "je ne sais pas" ? Il allait protester, s'inquiéter, quand la pirate se décida enfin à revenir à la raison. L'elfe se détendit. L'espace d'un instant, il avait vraiment eu peur.

Il écouta les propositions du Léviathan et réfléchit rapidement. Tora n'avait pas l'air de vouloir répondre. Il s'en chargea.

"Nous voulons sortir le plus vite possible", déclara-t-il, "mais par le chemin le plus sûr que tu pourras nous trouver. Il n'est pas encore temps pour nous de mourir."

Tora avait sourit. Zaikel venait de lui faire un compliment ou elle avait rêvé ? Elle acquiesca à sa remarque, en se promettant à elle même de garder ce caractère renfrogné, et cette part d'impulsivité - pour des moments où rien d'autre n'aurait marché.

Elle avait failli être tentée de mentir, de dire qu'elle voulait sortir en laissant son souhait de rester ici se faire; mais non. Elle ne voulait plus être egoiste comme elle l'avait fait si souvent auparavant, et elle voyait comme Zaikel souhaitait revenir dans les cavernes.

Zaikel a raison,dit-elle dans un sursaut de dédain et de résignation - envers elle-même. Prenons le tunnel. Tu me guideras par tes pensées, tant que nous arrivons à sortir sains et saufs, il n'y a rien de plus important. Meiux vaut mettre plusieurs heures à sortir, qu'une heure et mourir au final.

Elle observa Zaikel, et ne put s'empêcher de sourire, en formulant une phrase de dérision envers elle même.

J'aurais choisi la voie rapide, mais je ne veux plus être la même qu'avant. Je veux suivre tes conseils.

Elle vit que le Léviathan les observait, puis il leur indiqua la cascade du bout du museau pleins d'écailles. Tora haussa unsourcil, et fit signe à Zaikel de la suivre, suivant les indications du monstre pour ne pas tomber dans l'eau en sautant sur les rochers pleins de mousses. Elle faillit tomber, mais réussit à vaincre la gravité et reprit son équilibre. Ils arrivèrent en face de la cascade.

Apparemment, le tunnel est sous la cascade.

Elle observa Zaikel.

Mouillés pour mouillés, non ? Dit-elle avec un léger rire.

Zaïkel resta sagement coi pendant que Tora donnait ses instructions au Léviathan. Il fronça légèrement les sourcils quand elle parla de plusieurs heures pour sortir. En y repensant, il avait déjà perdu beaucoup plus de temps que prévu dans ce qui devait à la base être une simple visite du navire de Tora... Or le temps était une chose rare et précieuse. Mais il n'avait pas la moindre intention de revenir sur sa décision, d'autant que la manière dont l'énonçait la pirate était assez claire : c'était ça ou mourir stupidement. Zaïkel aurait été heureux de sacrifier sa vie à la lutte contre les Soeurs, mais patauger dans une grotte sous-marine n'était pas la façon la plus efficace de démanteler le, ou plutôt les régimes en place.

"Il faut savoir garder la tête froide parfois", répondit simplement Zaïkel avec un haussement d'épaules. "On ne le croirait pas, mais quand on dirige une vaste organisation secrète, la prudence est de mise..."

Il se laissa guider par Tora sur les rochers moussus, vers la cascade que leur indiquait le Léviathan. L'elfe avança à souples enjambées précautionneuse, tentant de retrouver ses vieux réflexes de l'époque où il se déplaçait tout le temps en sillonnant entre des points d'eau stagnants dans les marais. Sans grand succès, vu le temps et les épreuves qui avaient modifié son corps depuis son adolescence.

Mais il parvint de l'autre côté sans déséquilibre. Il jeta un coup d'oeil vaguement las à la cascade puis regarda Tora.

"Oui, mouillés... Je crois que c'est l'inconvénient des aventures en mer... Beaucoup d'eau."

Puis un sourire éclaira son visage, et une - rare - lueur espiègle s'alluma dans son oeil.

"Toi d'abord."

Ce disant, il flanqua une claque dans le dos de Tora, avec l'intention de la mouiller la première.

Tora sourit. Même perdus en pleine grotte, Zaikel restait Zaikel. Il restait sérieux, plein de bon sens... et il aimait donner une certaine leçon dans ses propos ! Elle etouffa un rire, puis arriva avec agilité jusqu'aux rochers, non sans manquer de tomber.

Tora observa Zaikel qui sembla réfléchir tout haut, avec un certain humour. Cependant, la légère tappe dans son dos, dite avec un certain amusement dans les yeux de l'elfe, lui plu et lui déplut - enfin surtout à ses vêtements : elle vacilla, essaya de rependre son équilibre, mais finit par faire un pas instinctivement sous la cascade où le jet d'eau vint déferler sur elle.

Elle observa Zaikel qui semblait horriblement amusé. Elle haussa unsourcil, et prit un air de conspiratrice.

Mouillé pour mouillé hein ? Tu vas voir !

Elle réussit à prendre l'épaule de Zaikel et l'attira sous la cascade avec elle. Elle ne voulait pas être la seule à avoir l'air stupide. Elle entendit le Léviathan les juger enfantins voire immatures, mais elle n'y fit pas attention. Elle se baissa même pour arroser Zaikel avec un grand éclat de rire. Ils n'allaient pas beaucoup avancer, mais qu'importe, Zaikel semblait si proche en cet instant ! Et elle s'amusait follement, comme une gamine. C'était bon.

Je t'avais dis que je me vengerai !

Elle entra dans le tunnel où une certaine chaleur était installée. C'était agréable, le vent était chaud. Elle haussa les sourcils, mais ne se posa pas de questions. Le léviathan n'aurait pas pu les envoyer à la mort vu qu'elle était liée à lui.

Attrape pas froid, petite nature.

Ton enfantin et légèrement narguant. Elle se tourna vers Zaikel et sourit. Elle ne s'était pas amusé aussi gaminement depuis des années. Ebconre une chose à remercier de sa part à Zaikel.